Avec 150 millions de tonnes par an, le secteur de la construction est le plus grand producteur de déchets en France. Le Grand Paris Express génèrera à lui seul, sur 10 ans, 45 millions de tonnes de déblais. Comment gérer ces terres excavées de manière écoresponsable ?
Avec la construction de 200 km de lignes automatiques et de 68 gares, le Grand Paris Express constitue le plus grand projet urbain en Europe. Les quatre nouvelles lignes (15, 16, 17 et 18), ainsi que la ligne 14 prolongée au nord et au sud, seront connectées au réseau de transport existant. Essentiellement souterrain, le nouveau métro traversera les territoires du Grand Paris pour les relier entre eux et à la capitale.
Le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) de la région Ile-de-France est à l’origine chaque année de la production d’une trentaine de millions de tonnes de déchets (terre, gravats et autres déchets du bâtiment). Les 45 millions de tonnes de déblais des chantiers du Grand Paris Express, inertes, non inertes non dangereux ou dangereux, participeront à une augmentation moyenne d’environ 10% à 20 %, selon les années, du volume annuel des déchets produits en Ile-de-France sur 10 ans.
Rappelons que les déchets inertes ne possèdent aucune des 14 propriétés qui caractérisent les déchets dangereux répertoriées dans l’annexe I de la directive du 18 avril 2002 relative la classification des déchets et qui ne contiennent pas de constituants évolutifs (organiques notamment).
UNE DÉMARCHE DE GESTION DES DÉBLAIS LANCÉE DÈS 2012
Dès le lancement du projet, la Société du Grand Paris s’est engagée dans une démarche d’anticipation de gestion des déblais. Dès 2012, le Schéma directeur des déblais (SDED) a défini la stratégie générale pour la conduite opérationnelle des chantiers. Elle se décline ligne par ligne et est inscrite dans le Schéma de gestion et de valorisation des déblais.
Le programme d’actions s’appuie sur trois grands axes : la traçabilité des déblais, l’optimisation du transport et la valorisation (sur ce dernier point, l’objectif affiché par la Société du Grand Paris est de 70% de déchets valorisés).
Plus de 1 000 forages environnementaux pour connaître les déblais à venir
Pour la Société du Grand Paris, la traçabilité signifie tout d’abord bien connaître l’origine et de la qualité des déblais. Pour cela, plus de 1 000 forages environnementaux ont été réalisés tout le long du tracé au stade des études d’avant-projet et de projet, ce qui correspond à plus de 6 200 échantillons prélevés et plus de 225 000 analyses réalisées.
L’analyse de ces données a permis de mettre en avant le déficit potentiel des capacités d’accueil de certaines filières de gestion des déblais, notamment les filières ISDI+ (installations de stockage de déchets inertes avec adaptation des seuils d’acceptabilité sur certains critères, qui représentent 20% du volume de déblais total estimé à l’échelle du projet), et les sites intermédiaires (plateformes, sites de traitement). A ce constat s’est ajouté un fort risque d’augmenter les distances de trajets et les flux routiers pour atteindre des sites toujours plus éloignés.
TREX : UNE PLATEFORME DIGITALE POUR LA TRAÇABILITÉ DES DÉBLAIS
Pour la phase des travaux proprement dite, une plateforme digitale appelée TrEx a été mise en place début 2017. Son usage est obligatoire pour les entreprises de génie civil, les exploitants de sites intermédiaires, les gestionnaires d’exutoires (sites d’accueil définitif des déblais.), ainsi que pour les maîtres d’œuvre et le maître d’ouvrage. Chaque acteur a un rôle et un périmètre d’intervention bien déterminé et défini au travers de son profil de connexion.
Cet outil repose sur la pesée des terres et l’informatisation du processus. Il comporte une saisie immédiate à l’émission et à la réception de chaque lot de déblais. Il permet de tracer de manière précise les informations et étapes successives concernant les déblais et leur devenir. Au global, la plateforme devrait gérer pendant la totalité des travaux pas moins de 1,5 million de bordereaux de transport au format numérique. A fin 2019, 5,27 millions de tonnes de déblais ont déjà été extraites des chantiers.
PRIVILÉGIER LE TRANSPORT DES DÉBLAIS PAR VOIE FLUVIALE OU FERROVIAIRE
L’optimisation de la logistique de transport des déblais est le second axe de la stratégie de la Société du Grand Paris. Elle a pour objectif de limiter les nuisances autour des chantiers et de minimiser l’impact environnemental de cette logistique.
Pour cela, l’objectif est de privilégier les transports alternatifs à la route (transport fluvial ou ferroviaire), moins émetteurs de gaz à effet de serre et permettant d’éviter les impacts liés à l’utilisation de camions en zones fortement urbanisées. A titre d’exemple, une barge fluviale équivaut à 100 camions ou 35 wagons. L’objectif de la Société du Grand Paris est d’atteindre un taux de transport alternatif (par voie fluviale ou ferroviaire) de 30 à 50% des déblais.
ECONOMIE CIRCULAIRE : UN OBJECTIF AMBITIEUX DE 70% DE DÉCHETS VALORISÉS
La Société du Grand Paris a l’ambition de promouvoir l’économie circulaire du programme et la valorisation des matériaux à hauteur de 70% du volume global des déblais du Grand Paris Express, en application de la Directive Cadre Européenne et de la loi de Transition Energétique. Comme on l’a vu précédemment, 5,27 millions de tonnes de déblais ont été extraites à fin 2019. Sur ce volume, seuls 2 millions de tonnes ont été valorisées, soit un taux de valorisation de 38%. Les objectifs ne sont donc pas atteints pour le moment.
Et pourtant, des entreprises telles que Hesus proposent des services de valorisation des terres excavées, via des mécanismes d’économie circulaire pour les chantiers. Les solutions de réemploi et de réutilisation des terres et matériaux entre chantiers sont privilégiées tout en s’assurant de la compatibilité des sols et de l’absence de risque de pollution. Hesus intervient d’ailleurs sur la quasi-totalité des lots du Grand Paris Express via « Terres du Grand Paris », une joint-venture qu’elle a lancée avec Cemex et Paprec.
Les trois sociétés de Terres du Grand Paris ont une forte complémentarité. Cemex se caractérise par une forte expertise dans le transport fluvial et la valorisation en carrières, Paprec dans la gestion de plateformes et Hesus dans la logistique et le réemploi des terres excavées. “L’offre de Terres du Grand Paris respecte scrupuleusement les 70% de valorisation et, dans 90 à 95% des cas, elle atteint les 100% de valorisation. Nous avons géré jusqu’à présent 15% des volumes sortis. Nous considérons que nous pourrions réutiliser entre 20 et 30% du volume total des terres et matériaux. Le reste, il faut l’envoyer en carrière, ce qui est une forme de valorisation également”, déclare Emmanuel Cazeneuve, fondateur et P-DG de Hesus.
A noter que, en ces temps de crise sanitaire, Hesus propose aux chantiers qui le désirent un capteur connecté de marque Ubysol (une solution développée par Bouygues Travaux Publics) pour réaliser le suivi des terres excavées sans contact physique. « Pendant au moins deux mois après la reprise officielle des chantiers, ce sera totalement gratuit ! », précise Emmanuel Cazeneuve.