Les trottinettes, scooters et vélos en free-floating, c’est-à-dire sans station d’attache, ont investi l’espace public en seulement quelques années, transformant en profondeur les pratiques des usagers.
En 2018, on comptait 43 millions de déplacements journaliers en Île-de-France (+23% par rapport à 2001), dont 8,8 millions étaient internes à Paris (+24% par rapport à 2001). Les portées étaient courtes : 72 % des déplacements faisaient moins de 2 kilomètres et 92% moins de 5 kilomètres.
Vélib’ (en 2007) et Autolib’ (en 2011) ont ouvert la voie à une nouvelle dimension du déplacement personnel dans la Métropole du Grand Paris. L’usage sans la possession, et le service en trace directe plutôt qu’en boucle (retour à la station de départ) sont apparus. Ces deux innovations majeures ont bouleversé la pratique des citadins.
« Vélib’ puis Autolib’ ont nourri une expérience innovante de la mobilité en ville. Proposant au plus grand nombre, en divers points de l’espace public, une offre en mobilité propre, ils ont ouvert le champ à des pratiques qui ont transformé le paysage du déplacement et ont permis l’arrivée de nouveaux opérateurs », peut-on lire dans une étude que l’Apur (Agence Parisienne de l’Urbanisme) vient de publier sur les mobilités émergentes (« Les mobilités émergentes, trottinettes, scooters et vélos en partage »).
L’étude de l’APUR rappelle que c’est Cityscoot, entreprise spécialisée dans le scooter en free-floating (sans station d’attache), qui ouvre le bal des nouveaux opérateurs à Paris dès juin 2016. Côté vélos, Gobee Bike, puis Obike et enfin Ofo, inondent le marché parisien en moins de trois mois à partir d’octobre 2017 avec 6 500 vélos environ. Concernant les trottinettes, c’est d’abord Lime qui, le premier, s’installe sur les trottoirs parisiens. Le service sera suivi de près par d’autres opérateurs et on comptera rapidement 12 exploitants de trottinettes à Paris en moins de 12 mois.
Début 2020, la Ville de Paris comptabilise 18 000 trottinettes en free-floating. À ce parc, il convient d’ajouter environ 8 500 vélos et 4 000 scooters en flotte libre ainsi que les 16 000 Vélib’ aujourd’hui. « La période de latence est ainsi extrêmement courte (moins de 10 ans) entre le partage avec stations (Vélib’, 2007) et le partage sans station (CityScoot, 2016). C’est un intervalle très bref au regard des révolutions en matière de transport », analyse l’APUR dans son étude.
Pour mieux connaître les utilisateurs des nouveaux services de mobilité, l’APUR a mené une enquête auprès de 11 200 personnes entre le 29 novembre 2019 et le 20 janvier 2020. 58% des répondants ont moins de 35 ans et la proportion d’hommes est de 64%. 72% des usagers ayant indiqué leur lieu de résidence sont domiciliés à Paris.
La géographie des réponses (l’étude a relativisé les données brutes au profit d’indices de spécificité ou d’intensité d’usage) montre que, dans Paris intra-muros, le centre rive-droite apparaît comme particulièrement perméable à ces nouvelles pratiques. A l’extérieur de Paris, les villes de Clichy, Levallois-Perret, Vanves et Montrouge présentent des taux de sur-représentation supérieurs à 300%.
Lorsqu’on segmente la pratique selon le type d’engins, on constate que « les usagers de trottinettes sont globalement surreprésentés dans les arrondissements correspondant au quartier central des affaires de Paris, les usagers des vélos en libre-service résident plutôt dans les 2e, 3e et 10e arrondissements, et sont sensibles à la pratique dans les 5e et 11e arrondissements. Les lieux de résidence des usagers de scooters se déportent nettement vers l’ouest, en particuliers dans les 2e, 7e, 9e et 17e arrondissements. L’Ouest est « moins sensible » au vélo, l’Est est « moins porté » sur les scooters, et globalement, les 19e, 20e et 13e arrondissements paraissent peu marqués par ces usages », note l’Apur dans son étude.
Dans leur grande majorité, les répondants sont « fidèles », n’ayant recours qu’à un seul opérateur (71%). Près d’un tiers des utilisateurs multiplie toutefois ses chances de trouver un engin à proximité en souscrivant à plusieurs services.
« L’une des caractéristiques principales de l’usager d’engins en free-floating, c’est sa très grande capacité d’adaptation à l’état de l’offre en place. Cette élasticité à l’offre se traduit notamment par son usage régulier de nombreuses autres modalités de déplacements », déclare l’Apur dans son enquête. Ainsi, 9 326 répondants ont fourni 29 569 réponses parmi les 15 modalités proposées, ce qui correspond en moyenne à l’emprunt régulier, en Île-de-France, de 3,2 modes de transport.
Les transports en commun et la marche à pied dominent le podium des modes de déplacements des répondants, avec respectivement 79% et 77% de taux de réponses. Les taxis et VTC arrivent en deuxième position, avec 44 % des répondants, ce qui, additionné aux quatre roues motorisés (voiture personnelle, covoiturage, autopartage), porte le taux de réponses pour ces modes à 76 %.
Le travail reste le premier motif de recours aux engins en free-floating, avec 50% des répondants signalant l’utiliser le plus fréquemment sur un parcours domicile-travail ou travail-autres. Les résultats de l’enquête menée par l’Apur ont été comparés à ceux de l’Enquête Globale de Transport en Île-de-France, menée par l’Observatoire de la mobilité en Île-de-France (Île-de-France Mobilités).
« La hiérarchie des motifs de déplacements est similaire. En revanche, les proportions diffèrent largement, ce qui s’explique en grande partie par les modes de transports examinés, par la couverture géographique et par des méthodes différentes », remarque l’Apur dans ses commentaires.