Longtemps envisagés sous l’angle des inégalités sociales d’exposition aux pollutions et nuisances, les enjeux environnementaux dans les quartiers populaires évoluent. Depuis quelques années, une rénovation urbaine soutenue et un foisonnement d’initiatives locales de transition socio-écologique ont permis d’envisager, de façon plus large et plus positive, la composante environnementale de la politique de la ville comme un véritable levier de développement.
En 2014, la géographie prioritaire retenue par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (loi Lamy) recentrait l’action publique sur les quartiers populaires les plus en difficulté, les « quartiers prioritaires de la politique de la ville » (QPV) qui, au nombre de 272 en Île-de-France, rassemblent 13 % de la population régionale. Parallèlement, en 2015, la géographie de la multi-exposition aux pollutions et nuisances, élaborée dans le cadre du deuxième Plan régional santé-environnement (2011-2015), identifiait 864 « points noirs environnementaux » concernant, eux aussi, 13 % de la population francilienne, rappelle une note de l’Institut Paris Région publiée en avril 2021 et intitulée « La transition, un levier de développement pour les quartiers populaires ».
À première vue, ces géographies de la défaveur sociale et de la défaveur environnementale ne se superposent que partiellement puisque « seulement » 22 % de la population des QPV franciliens est concernée par un point noir environnemental, et qu’inversement « seulement » 21% de la population régionale concernée par un point noir environnemental réside dans un QPV. Mais ce chiffre est à rapprocher de celui observé hors QPV, où 12 % de la population est concernée par un point noir environnemental. Ainsi, une personne résidant dans un QPV a près de deux fois plus de probabilités qu’une autre d’être concernée par un point noir (22 % contre 12 %).
Face à ce constat, des collectifs d’habitants, des associations, des techniciens et des élus des quartiers populaires ont montré ces dernières années une capacité croissante à reconnaître les enjeux d’inégalités socio-environnementales, à s’en emparer et surtout à « faire lien » autour de ces enjeux. Par ailleurs, la composante environnementale de la politique de la ville s’est progressivement élargie, bien au-delà des enjeux locaux de pollutions et nuisances, pour intégrer les défis planétaires de transition socio-écologique (énergie, alimentation, biodiversité, climat…). Ainsi, la loi Lamy de 2014 ne promouvait pas seulement « le droit à un environnement sain et de qualité » et « la lutte contre la précarité énergétique », mais plus largement « la ville durable », commente l’Institut Paris Région dans sa note.
Cet élargissement résulte de deux grands mouvements. Le premier est celui de la rénovation soutenue de nombreux quartiers populaires dans le cadre du programme national de rénovation urbaine (PNRU puis NRPNRU) mené à partir de 2003 sous l’égide de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), avec, dès l’origine, le double objectif « de mixité sociale et de développement durable » – ce dernier étant souvent abordé dans les faits comme un moyen d’atteindre la première.
Le second grand mouvement, plus « ascendant », s’appuie sur le foisonnement d’initiatives locales de transition, portées dans de multiples domaines (mobilité durable, économie circulaire, agriculture urbaine…) principalement par des associations, des collectifs ou des coopératives qui forment depuis longtemps un tissu économique « social et solidaire » très dense dans certains quartiers populaires, et pour certaines accompagnées financièrement dans le cadre de la politique de la ville. On peut notamment citer, parmi des centaines d’autres initiatives, l’association ASAC, à Garges-lès-Gonesse, qui organise des jardins pédagogiques et a créé, depuis 2004, le projet « Vélocité » qui permet aux enfants et jeunes de sortir de leur quartier (physiquement et intellectuellement).
À titre indicatif, pas moins de 25 QPV sont au moins partiellement inclus dans un des 30 premiers « hauts lieux de la transition », portions d’espace urbain ou rural de l’ordre d’un kilomètre de côté identifiées et décrites par L’Institut Paris Région en raison de la densité et de la diversité des initiatives de transition qui y sont menées. Ces hauts lieux se trouvent le plus souvent « à cheval » entre le quartier populaire et les quartiers environnants.