Habitat

Construire sans artificialisation des sols : le casse-tête francilien

Alors que de plus en plus d’habitants aspirent à vivre au vert, de nouvelles formes d’urbanisation, plus sobres en consommation d’espaces et plus intenses en nature, apparaissent. L’Institut Paris Région leur consacre une imposante étude.

Un million d’espèces animales et végétales sont aujourd’hui menacées d’extinction en France, selon le dernier rapport de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). Un déclin sans précédent auquel participe largement l’artificialisation des terres : étalement urbain et constructions diffuses détruisent les habitats naturels et les continuités écologiques nécessaires à la faune sauvage pour circuler.

Le plan biodiversité, présenté par le gouvernement en 2018, a pour ambition, à travers son objectif « Zéro artificialisation nette » (ZAN), de freiner l’artificialisation des terres. Il doit permettre la production de formes d’urbanisation plus sobres en consommation d’espaces et plus intenses en nature, grâce à des processus de densification urbaine, de renouvellement urbain et de renaturation des terres.

Cet objectif doit cependant être confronté aux aspirations des habitants qui, pour 66 % d’entre eux, souhaitent vivre en maison individuelle et bénéficier de logements spacieux et d’un accès à un espace extérieur (selon l’Observatoire des Usages et Représentations des Territoires) ou qui, du fait des prix immobiliers dans les centres urbains, sont contraints de s’éloigner des cœurs d’agglomérations pour trouver des logements adaptés à leurs besoins et leur budget

Dans une volumineuse étude de plus de 100 pages, l’Institut Paris Région traite la question du développement de l’habitat en cœur de bourg et village avec, en filigrane, la question de la production d’un habitat qualitatif respectant l’objectif Zéro Artificialisation Nette.

L’Institut Paris Région y rappelle que, si l’extension urbaine et la construction de maisons individuelles ont été plébiscitées entre les années 1970 et 1990, la tendance doit désormais radicalement s’inverser, au regard notamment des enjeux environnementaux, des objectifs de réduction des gaz à effet de serre et de la mixité sociale et fonctionnelle dans les territoires.

Entre 2012 et 2017, le rythme moyen d’artificialisation en Île-de-France était de 840 hectares / an, selon l’Institut Paris Région, avec des conséquences sur l’environnement comme la destruction de la biodiversité, une augmentation du niveau de pollution et des émissions de CO2. À l’échelle nationale, l’habitat représente la plus grande part des terres artificialisées (42 %), avant les réseaux routiers (14 %), le bâti agricole (8 %) ou encore les services et infrastructures (14 %), selon les données de France Stratégie.

« La grande couronne francilienne pourrait constituer un compromis pour accueillir des populations qui aspirent à un besoin de vert et d’espace, mais pas n’importe comment ! Longtemps préservés de l’étalement urbain et disposant d’une forme bâtie traditionnellement compacte, les bourgs et villages franciliens ont attiré ces 40 dernières années de nouvelles et nombreuses populations à la recherche d’un cadre de vie bucolique et de terrains abordables. Cela s’est traduit par l’apparition de lotissements pavillonnaires, souvent de faible qualité architecturale et urbaine, suscitant une artificialisation des sols agricoles ou naturels ainsi que le mitage des paysages », précise l’Institut Paris Région dans son étude.

A travers un comparatif d’opérations exemplaires sur le plan de l’habitat et de compacité du développement urbain, l’étude met en avant la qualité architecturale, urbaine et d’usage de ces projets. C’est le cas notamment de la commune de Fontenay-Mauvoisin (78) où une opération de 15 logements sociaux écoresponsables s’est installée en 2017 dans un ancien corps de ferme du XVIIIe siècle.

L’opération de 15 logements sociaux écoresponsables menée à Fontenay-Mauvoisin (78)
© Martine Mougin / OSA SASU d’architecture

Afin de transformer la ferme en logements, seuls les murs périphériques et toitures ont été préservés : la grange a été restructurée en 11 logements, la maison principale en trois et un bâtiment annexe accueille un logement PMR (Personnes à mobilité réduite). L’accès aux logements est distribué par l’extérieur, directement depuis les jardins ou via des escaliers et coursives à l’allure contemporaine. Des ouvertures ont été créées pour apporter la luminosité nécessaire. Une attention a été portée sur les matériaux de construction pour qu’ils soient le plus durable possibles, et le chauffage se fait grâce à l’installation d’un système de géothermie.

À Bernes-sur-Oise (95), 20 logements intermédiaires ont été construits sur une « dent creuse » dans un lotissement pavillonnaire. Il s’agit d’une parcelle longue et étroite sur laquelle est venue s’implanter un projet de 20 logements intermédiaires constitués en 5 plots R+1+C, comprenant chacun 4 logements, et desservis par trois venelles privatives. Chacune d’elle dispose d’un local commun. La brique claire, posée à joint creux, a été choisie comme matériau principal de revêtement afin de donner au projet un aspect à la fois contemporain et sobre. Le projet atteint les objectifs RT2005-20%.

Les 20 logements intermédiaires construits à Bernes-sur-Oise (95) © Observatoire CAUE

Les logements, mêlant appartements en duplex et simplex, ont tous une entrée privative (en RDC ou par escalier extérieur pour un appartement en étage) : ceux du rez-de-chaussée possèdent un jardin privatif et ceux à l’étage bénéficient d’une terrasse partagée entre deux logements. L’implantation proposée privilégie au maximum les entrées individuelles au nord et les jardins privatifs au sud. Les logements orientés nord / sud sont traversants et les pièces de vie sont orientées au sud. Les appartements proposent peu d’espaces de rangement, en faveur d’un séjour plus grand.

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