Réunissant 150 citoyens français, tous tirés au sort, la Convention Citoyenne pour le Climat a livré ses recommandations pour réduire d’au moins 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990).
Après 9 mois de travail, d’auditions et de débats, les 150 membres de la Convention Citoyenne pour le Climat ont rendu leurs propositions au gouvernement. Le champ de leurs préconisations va des transports à nos modes de consommation et de production, en passant par le bâtiment, l’agriculture et… la constitution française.
La première thématique sur laquelle la Convention Citoyenne a travaillé concerne les transports. Les déplacements de personnes et le transport des marchandises représentent plus de 30 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) en France. Ce total est partagé entre les voitures (52 % du total), les poids lourds (19 %), les véhicules utilitaires (19 %) et les vols intérieurs (4 %).
La première visée est la voiture individuelle. La Convention Citoyenne propose, pour inciter les Français à utiliser des moyens de transports doux ou partagés, notamment pour les trajets domicile-travail, de généraliser et d’améliorer le forfait mobilité durable, prévu par la récente loi d’orientation des mobilités mais aussi de réformer le système d’indemnité kilométrique de l’impôt sur le revenu. Et pour encourager les jeunes à prendre le vélo dès le plus jeune âge, une proposition concerne la création d’un système de prêt de vélos basé sur le modèle du prêt des livres scolaires.
Afin d’encourager l’usage des modes déplacement alternatifs à la voiture, la Convention préconise d’interdire les centres villes aux véhicules les plus émetteurs de gaz à effet de serre, d’augmenter les montants du Fonds Vélo de 50 à 200 millions d’euros par an pour financer des pistes cyclables et de généraliser les aménagements de voies réservées aux véhicules partagés et aux transports collectifs sur les autoroutes et voies rapides.
Et, mesure phare, la réduction des émissions des gaz à effet de serre sur les autoroutes et les voies rapides, via la limitation de la vitesse sur autoroute à 110 km/h, est demandée par la Convention Citoyenne. “Les avantages pour le climat sont réels puisqu’ils permettent une réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre en moyenne sur ces transports. Ils permettent également d’économiser du carburant, de faire baisser la mortalité et les dommages corporels sur les routes et peuvent contribuer à réduire les bouchons”, peut-on lire sur le site de la Convention Citoyenne pour le Climat.
Les émissions de gaz à effet de serre issues du secteur résidentiel et tertiaire représentent 16% des émissions nationales. Les recommandations de la Convention Citoyenne visent à les réduire par 2 en 2040. Rendre le bâti, et notamment le logement, plus performant représente donc un gisement essentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
L’ambition de la Convention est de passer d’une rénovation par petits gestes et à petits pas, à une rénovation globale (toit, isolation, fenêtre, chauffage et ventilation mécanique contrôlée [VMC]), en multipliant par trois le rythme des rénovations dans un souci de justice sociale.
Cela représente environ 20 millions de logements à rénover de façon globale dont environ 5 millions de passoires thermiques, des bâtiments tertiaires et publics d’ici à 2030. Outre ses effets sur le climat, ce grand chantier national est créateur d’emplois, réduit la facture énergétique, améliore le confort des logements (au-delà de la consommation énergétique) et réduit les dépenses de santé.
Concrètement, la Convention Citoyenne pour le Climat préconise de :
- Contraindre les propriétaires occupants et bailleurs à rénover de manière globale.
- Rendre obligatoire la rénovation énergétique globale des bâtiments d’ici 2040
- Obliger le changement des chaudières au fioul et à charbon d’ici à 2030 dans les bâtiments neufs et rénovés.
- Rendre obligatoire la rénovation énergétique globale des bâtiments d’ici 2040
- Déployer un réseau harmonisé de guichets uniques.
- Rendre obligatoire la rénovation énergétique globale des bâtiments d’ici 2040
- Mettre en place un système progressif d’aides à la rénovation, avec prêts et subventions pour les plus démunis.
- Rendre obligatoire la rénovation énergétique globale des bâtiments d’ici 2040
- Former les professionnels du bâtiment pour répondre à la demande de rénovation globale et assurer une transition de tous les corps de métier du BTP vers des pratiques écoresponsables.
Réduire de 40 % les émissions de GES d’ici 2030 implique de repenser en profondeur notre manière de consommer. “En 2019, l’empreinte carbone moyenne d’un Français est de 11,2 tonnes alors qu’elle devrait être de 2 tonnes par an pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris”, rappelle le site de la Convention Citoyenne pour le Climat.
Cela signifie deux choses : moins et mieux consommer. Moins consommer permet d’utiliser moins de ressources naturelles, moins d’énergie et générer moins d’émissions de GES dans la fabrication, l’acheminement, la distribution et l’utilisation des produits et loisirs de consommation, pour produire moins de déchets. Mieux consommer passe par une meilleure information sur les produits que nous achetons afin de choisir ceux qui sont les moins émetteurs de gaz à effet de serre.
Pour cela, la Convention Citoyenne suggère de rendre obligatoire l’affichage des émissions de gaz à effet de serre dans les commerces et lieux de consommation ainsi que dans les publicités pour les marques, de développer puis de mettre en place un score carbone sur tous les produits de consommation et les services, d’interdire de manière la publicité des produits les plus émetteurs de GES, sur tous les supports publicitaires et de réguler la publicité pour limiter fortement les incitations quotidiennes et non-choisies à la consommation.
Afin de limiter le suremballage et l’utilisation du plastique à usage unique, le développement du vrac et des consignes dans les lieux de distribution est préconisé par la Convention. Concernant le vrac, c’est toute la chaîne agroalimentaire qui serait concernée, depuis les producteurs jusqu’à la grande distribution, en passant par les centrales d’achat.
Concernant la mise en place consigne, la Convention recommande d’imposer aux distributeurs la mise en place d’un système de consigne rémunérée (en numéraire ou en bon d’achat) pour les contenants réutilisables en verre et ce, dès 2021, selon le calendrier suivant :
- Obligatoire pour les grandes surfaces dès 2021 ;
- Obligatoire pour les moyennes surfaces dès 2022 ;
- Obligatoire pour les petites surfaces dès 2023.
Concernant l’aspect “production”, la Convention demande que la longévité des produits soit augmentée. Cela passe notamment par le respect de la loi sur l’interdiction de l’obsolescence programmée.
La Convention prône également de rendre obligatoire la possibilité de réparation des produits manufacturés vendus en France ainsi que la disponibilité des pièces détachées d’origine pendant une durée définie. Elle préconise aussi de rendre obligatoire le recyclage de tous les objets en plastique dès 2023, de supprimer tous les plastiques à usage unique dès 2023 et de développer le recyclage des autres matières.
Concernant les obligations comptables, la convention est favorable à l’ajout d’un bilan carbone dans le bilan de toutes les structures qui doivent en produire un. Concernant les marchés publics, la Convention met en avant un renforcement des clauses environnementales dans les appels d’offres.
Notamment, la Convention souhaite rendre la clause environnementale obligatoire et l’étendre à tous les marchés publics. Aujourd’hui, cette clause existe (notamment au sein du plan national d’action pour les achats publics durables) mais elle n’est pas obligatoire et ne concerne pas l’ensemble des marchés publics.
La Convention Citoyenne pour le Climat rappelle que les émissions de gaz à effet de serre issues de l’alimentation des ménages en France s’élèvent à 163 Mt d’eqCO2, soit 24 % de l’empreinte carbone des ménages en France. Les émissions du secteur agricole et alimentaire doivent être divisées par deux pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050.
Le premier axe est, selon la Convention, d’engager la restauration collective vers des pratiques plus vertueuses, en se donnant les moyens de mettre en œuvre la loi EGalim, en la renforçant et en l’étendant. La loi EGalim est issue des États généraux de l’alimentation lancés en 2017. PRomulguée en octobre 2018, elle vise à rendre accessible une alimentation saine et durable à tous les consommateurs.
Elle prévoit notamment que les services de restauration scolaire et universitaire, les services de restauration des établissements d’accueil des enfants de moins de six ans, des établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux et des établissements pénitentiaires dont elles ont la charge doivent proposer, au 1er janvier 2022, au moins 50% de produits de qualité et durables, dont au moins 20% de produits biologiques.
Le second axe le développement des circuits courts, notamment en utilisant le levier de la commande publique pour valoriser les produits issus de productions locales, durables et de saison.
“Nous avons conscience que les productions locales ne sont pas forcément les plus performantes d’un point de vue environnemental. Nous tenons néanmoins à l’idée de circuits courts territorialisés, car c’est en rapprochant les consommateurs et les producteurs qu’il est possible de changer l’ensemble de notre système alimentaire. Cette proposition est notamment importante pour les territoires et collectivités d’Outre-Mer qui importent un nombre important de leurs denrées alimentaires.Le recours au circuit court sera un levier pour rendre leur alimentation plus faiblement émettrice de gaz à effet de serre”, déclarent les membres de la Convention sur le site dédié à leurs propositions.
Le troisième axe concerne la poursuite des efforts sur la réduction du gaspillage alimentaire en restauration collective et au niveau individuel. “Nous proposons, pour que les efforts de la restauration collective se poursuivent, de réguler les portions distribuées dans les collectivités en fonction de la consommation réelle : cela passe par la réflexion sur la réécriture du décret de 2011 sur les grammages. Nous proposons également de réduire le tonnage à partir duquel le tri sélectif et le recyclage sont obligatoires de 10 à 5 tonnes par an : depuis le 1er janvier 2016, les restaurateurs qui produisent au moins 10 tonnes de biodéchets par an – soit environ 200 à 240 couverts par jour – ont l’obligation de procéder à leur tri sélectif et à leur recyclage”, notent les membres de la Convention.
Le quatrième axe concerne le développement des pratiques agroécologiques, l’objectif étant d’atteindre 50% d’exploitations en agroécologie en 2040. Concernant les engrais azotés, la Convention préconise d’augmenter la Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP) et de diminuer l’usage des pesticides avec une interdiction des produits CMR (cancérigènes, mutagènes, rétroproducteurs), de réduire l’usage des produits phytopharmaceutiques de 50% d’ici 2025 et d’interdire les pesticides les plus dommageables pour l’environnement en 2035.
La Convention Citoyenne propose enfin une modification de la Constitution du 4 octobre 1958 afin de mieux garantir, dans le texte fondamental de la République française, la lutte contre le dérèglement climatique et pour le respect de l’environnement devenus des enjeux vitaux pour le système vivant.
L’objectif de cette modification se décline en deux ambitions :
- Une ambition emblématique, en actant la lutte contre le dérèglement climatique comme un objectif de la République ;
- Une volonté affirmée de mobiliser la nation en ce sens, par un engagement renforcé dans des actions effectives contre le dérèglement climatique, notamment avec la création d’outils concrets et opérationnels pour toutes les instances et administrations publiques.